À Paris, sur le périphérique intérieur, peu avant la sortie « Porte de Gentilly », en plein virage, des sculptures monumentales apparaissent subitement sur la droite, au dessus d'un grillage. Apparition furtive : à 80 kilomètres heure, on n'a guère le temps de les détailler.
Ces deux groupes, l'un féminin, l'autre masculin, dont les versions en plâtre patiné illustrent cet article, ornaient l'entrée de l'ancien stade Sébastien Charléty. Elles sont l'œuvre du sculpteur Lucien Gibert (né le 21 juin 1904, décédé en 1988).
Construit par l'architecte Bernard Zehrfuss, Charléty fut inauguré à la veille de la seconde guerre mondiale, en 1939. Après la libération, l'endroit devint le théâtre de nombreux exploits et records sportifs, notamment ceux de Michel Jazy, Guy Drut et Philippe Houvion. Le 27 Mai 1968, en pleine crise, un important meeting étudiant s'y déroula, réunissant plus de 30 000 personnes (photo de droite).
Au début des années 1990, un nouveau stade, futuriste et aérodynamique, conçu par Henri et Bruno Gaudin, remplaça l'ancien. L'idée – plutôt saugrenue – de placer les statues de Gibert en bordure de périphérique date de cette époque.
En 1982, encore lycéen, j'ai pendant un an pratiqué l'athlétisme au PUC (Paris université club). C'est là que je découvris ces colosses de pierre, lors de séances d'échauffement autour du stade. Bien que leur esthétisme fut à l'opposé de mes goûts d'alors, elles déclenchèrent en moi, et pour de longues années, une envie mystérieuse et incompréhensible de créer quelque chose de similaire. La force sereine de ces figures, la générosité de leurs formes et la qualité du modelé expliquent sans doute ma fascination de l'époque. Aujourd'hui, je peux donc dire, avec une pointe d'ironie, que mon court passage en tant qu'athlète au PUC, aussi discret fut-il d'un point de vue sportif, a été à l'origine de ma vocation de sculpteur.
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